ROLE DE L'ETAT ET RESTRUCTURATIONS DES SYSTEMES DE SANTE

ARGUMENTAIRE

La santé s'intègrerait-elle parfaitement dans la logique néolibérale caractérisant nos Etats actuellement ou demeurera-t-elle toujours un secteur à part, du fait de son côté social et de son rattachement au corps humain et à la vie humaine ? La conception de son rôle par l'Etat, son retrait, même relatif, des sphères actives de l'économique et même du social, atteindrait-il aveuglément tous les secteurs ou en épargnerait-il certains, dont celui de la santé ? Peut-il y avoir ouverture économique et maintien d'un interventionnisme social ? Un système de santé performant postule-t-il la marque du public ? Autant d'interrogations qui reposent encore une fois la question de la ligne de partage du public et du privé à travers le prisme de la santé. Politiques, Structures, gestion, secteurs, esprit, seront autant d'angles d'études pour envisager ce problème dans sa totalité.

La situation à travers le monde nous révèle en effet depuis une quinzaine d'années un recul manifeste de l'Etat du secteur de la santé - et d'un ensemble de secteurs sociaux - en même temps qu'un repositionnement des autres acteurs. Ces changements s'effectuent à un rythme rapide, course vers on ne sait quelles chimères et sur laquelle on peut s'interroger tant sur son bien-fondé que sur sa poursuite et ses suites. Une palette de situations nouvelles et jusqu'alors inconnues apparaissent, parfois étonnantes (activités de santé sur la base d'un cahier des charges, exportations des services de santé, tourisme médical, investissements encouragés…) mais désormais acquises. A coup sûr, ce service public, dit traditionnel et envisagé comme tel il y a fort peu de temps change de visage.

Une profusion de structures privées a vu le jour, déclinées en nombre de secteurs et multitudes de formes. Le partenariat y a la part belle, l'unilatéralité n'a plus lieu d'être, le partenarial est le maître mot. Etablissements de soins et de recherches, utilisant tant les techniques biomédicales et que la médecine de pointe, fabrications de médicaments et de matériels médical, centres de dialyses démultipliés mais aussi conventionnements de médecins de libre pratique, activité privée complémentaire des médecins fonctionnaires, comptabilité analytique, rationalisation des organigrammes de l'administration centrale, clarification des structures des établissements publics de santé, gestion par objectifs et réforme profonde de l'assurance maladie.

La concurrence pourrait-elle s'organiser librement autour de ce secteur, en toute quiétude et d'une manière conforme à ce qui existe dans ce qu'il est coutume d'appeler les " secteurs marchands " ? Ou bien ne pourrait-elle jamais être ici que simple restructuration du secteur de la santé - et des secteurs clés avoisinants, tel celui de la sécurité sociale - pour tenter de parvenir à davantage d'efficacité et à une meilleure qualité de service à moindre coût ? Quel est le degré de soumission des acteurs privés aux projections des pouvoirs publics ?

En tout état de cause, cette participation renouvelée, couplée aux inévitables dérives et à une relativité des contrôles publics, laissent l'observateur songeur et inquiet surtout au regard de la précarité de certaines franges de la population. Entre un droit à la santé affirmé, un bien-être social prôné et une ouverture économique forcée, les choix sont difficiles et l'exercice de mise en œuvre périlleux. Pour éviter de sombrer dans l'inéquitable, le réaménagement du système de santé appelle à une régulation spécifique.

Ce colloque international en donnant la parole tant aux universitaires qu'aux praticiens de tous ordres, fera état des transformations profondes vécues par le secteur de la santé tunisien, et révèlera des situations assez proches vécues par un certain nombre d'autres systèmes de santé de par le monde. Il a choisi d'adopter à la fois la perspective comparatiste en privilégiant la comparaison entre la Tunisie et la France, souvent imitée. Mais il a choisi parallèlement la connaissance d'autres modèles de santé peu connus à travers le monde à travers lesquels pourra être vérifiée notre problématique de départ de l'interaction entre le rôle de l'Etat et le choix de son modèle de santé. Ainsi seront découverts les modèles libanais, vietnamien, brésilien, indien…Mais surtout il tentera d'évaluer les risques des éventuelles dérives et d'anticiper sur l'avenir en formulant des perspectives d'évolution et des solutions aux dérives en cours ou à venir.

PROGRAMME DU COLLOQUE

Première séance, Vendredi 2 novembre 2007, matinée

8h30 : Accueil des participants
8h50 : Allocutions de bienvenue et ouverture du colloque.
9h00 : Rapport introductif, M. Didier Truchet, Professeur à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas.
9h30 : Mutations et exigence de la présence étatique, M. Hédi Achouri, Directeur Général, Ministère de la Santé Publique.
9h50 : Les mutations structurelles du service de santé tunisien, Sophie Dabbou-Ben Ayed, Maître de conférences agrégée à l'Institut Supérieur de Comptabilité et d'administration des entreprises.

10h10-10h30 : Pause café

10h30 : Politiques publiques et défis des structures administratives au Brésil, Mme Solange Telles Da Silva , Professeur à l'Université catholique de Santos.
10h50 : Le secteur de la santé en Mauritanie : complémentarité ? Concurrence ? M. Yaakoub Ould Ahmed , Magistrat au Tribunal de Nouadhibou.
11h10 : Réflexions sur un système en mutation (l'expérience bulgare), M. Ognian Grantcharsky , Médecin à l'hôpital militaire de Sofia.

11h30-12h30 : Débats

Deuxième séance, Vendredi 2 novembre 2007, après-midi.

14h30 : Le libre accès aux soins en France, Mme Brigitte Feuillet-Liger, Professeur à l'Université Rennes 1.
14h50 : Les contrats de soins, Mme Olfa Zeribi-Ben Slimane, Professeur à l'Institut des Hautes Etudes Commerciales de Tunis.
15h10 : La contractualisation entre personnes publiques, Mme Marie-Hélène Douchez, Professeur à l'Université Toulouse 1.
15h30 : L'expérience Tokushukai des hôpitaux privés, M. Kiyoshi Hasegawa, Médecin à l'hôpital de Yoto.

15h50-16h10 : Pause café

16h10 : Marché de la santé et dérégulation dans l'Union européenne, M. Louis Dubouis, Professeur émérite à l'Université d'Aix Marseille 3.
16h30 : Le système de santé libanais, M. George Abi-Zeid, Médecin à l'hôpital Saint Georges Ajaltoun, Keserouan.

16h50-17h30 : Débats

Troisième séance, Samedi 3 novembre, matinée.

9h00 : Le rôle du juge administratif dans la régulation du système de santé, M. Jean-Claude Bonichot, Magistrat à la Cour de justice des communautés européennes.
9h20 : L'activité privée complémentaire des médecins. Problèmes juridiques, M. Adel Mbarek , Conseiller à la Chambre des Députés.
9h40 : Le tourisme médical, Mme Amel Aouij-Mrad, Professeur à l'Université Tunis El Manar, Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis.

10h-10h15 : Pause café

10h15 : Les secteurs réservés ou police sanitaire et libéralisation, Mme Wafa Harrar Masmoudi, Enseignante Universitaire à l'Institut Supérieur des Etudes Technologiques de la Charguia.
10h35 : La qualité du système de santé : droit du consommateur ou devoir de l'usager ? Mme Guylène Nicolas, Maître de conférences à l'Université Aix Marseille 3.

10h55-12h00 : Débats

12h00 : Rapport de synthèse : Jacqueline Morand-Deviller Professeur émérite à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
12h30: Clôture du colloque.