Bienvenue sur le site de l'A.T.D.S
 
 

Bulletin d'information n°84. Avril 2016

Le Contrat Médical à l'épreuve du Droit des Contrats

L'activité médicale a, pendant longtemps, échappé à l'encadrement juridique, le médecin n'ayant de responsabilité qu'envers sa conscience. Lorsque la responsabilité civile des médecins a été reconnue, c'est responsabilité délictuelle qui a été retenue. Le fondement délictuel permettait de retenir la responsabilité de toute personne commettant une faute, quelle que soit sa profession, surtout que l'idée du contrat n'existait pas encore.

C'est en 1936 que la Cour de cassation française a reconnu l'existence du contrat médical. La qualification contractuelle de la relation de soins a été longtemps ignorée par les juges tunisiens, qui ont fondé la réparation du préjudice subi dans le cadre d'un acte médical uniquement sur l'article 82 et 83 COC relatifs au quasi- délits (1). Ce choix jurisprudentiel semble avoir été influencé par la prédominance des actions pénales, suivies d'une action civile en réparation (2). Or, les tribunaux ont continué à adopter le fondement délictuel même pour les procès civils intentés indépendamment des poursuites pénales.

En droit tunisien, le fondement de la responsabilité des médecins prête à confusion. Les juges du fond, appuyés par les juges de la Haute Juridiction, admettent l'existence d'un contrat entre le médecin de libre pratique et son patient, en appliquant en même temps le régime de la responsabilité délictuelle (3).

Il semble aussi que la jurisprudence tunisienne affiche un penchant vers la théorie de l'option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Toutefois, et indépendamment de la responsabilité applicable en cas de faute médicale, la jurisprudence reconnaît l'existence d'un contrat entre le médecin et son patient.

Il est alors essentiel de savoir s'il se forme réellement un contrat entre le médecin et son patient ? Si cecontrat répond aux normes traditionnelles exigées en matière contractuelle ?

Il semble que les règles classiques du droitdes obligations soient incapables de résoudre le conflit entre la liberté contractuelle et, d'une part, le droit du malade à consentir et, d'autre part, l'obligation du médecin de soigner. En effet, l'impossibilité pour le médecin de choisir son contractant, le non-respect du refus de l'acte médical, la rétention d'information par le praticien, le rejet de la théorie de la nullité en cas d'absence de consentement valide ainsi que le transfert de sanction du défaut d'information de la phase de la formation du contrat à la phase de l'exécution, soulignent l'inadaptation du contrat de soins au droit des contrats.

La distinction structurelle entre structures de soins privée et structures de soins publique devrait être écartée lorsqu'il s'agit de consentir à un acte médical touchant au corps humain. Ce n'est pas le modèle contractuel qui doit déterminer l'exigence du consentement du malade, mais la dignité de la personne. Ce n'est pas non plus la qualité du contractant qui oblige le médecin à informer son patient et à recueillir son consentement ;s'il en était ainsi, le médecin hospitalier ne serait pas tenu à cette obligation.

La qualification contractuelle serait-elle en rupture avec les règles classiques du droit civil ? Cette question se doit d'être posée car le forçage de l'adaptation de la relation de soins aux règles civilistes semble ôter à la relation de soins sa spécificité.

En effet, la relation médicale n'est pas une relation comme les autres, l'objet du contrat, l'acte médical, n'est pas d'ordre patrimonial. Le principe même de non-patrimonialité du corps humain traduit une volonté d'écarter ce corps de la sphère marchande (4). Or, le code civiltunisien, le Code des obligations et des contrats, qui régit le domaine patrimonial, correspondant au monde des choses (5), ne semble pas envisager les relations de droit de la personne sur son corps.

A notre sens, l'individu étant fondamentalement une personne, le droitdoit lui rassure primauté et supériorité sur les choses, lui garantir sa dignité . C'est dans ce contexte que doit s'inscrire la relation de soins qui dépasse tout raisonnement contractuel. Dans la situation précise du contrat médical, les besoins ne sont plus uniquement des besoins d'ordre économique,les contractants, les patientsdoivent être considérés avant tout en tant que personnes humaines. Une distinction fondamentale entre ce que l'on a et ce que l'on est s'impose alors. C'est cette distinction entre le patrimonial et l'extrapatrimonial, qui est à l'origine de la spécificité de la relation de soins.

Haïfa KHAMMARI, Docteure en droit privé

(1) R. JELASSI, Le corps humain en droit civil, préf. de Mohamed Kamel Charfeddine, Centre de Publication Universitaire, Tunis, 2013, p.296.
(2) F. LOKSAIER, La faute simple en tant que fondement de la responsabilité civile médicale, RJL n°, 2006, p.9
(3) C.A. Tunis n° 75672 du 25 juin 2002.
(4) M.REYNIER, La sacralité du corps, R.D.S. n°40, p.126.
(5) C.LAZARUS, Les actes juridiques extrapatrimoniaux, une nouvelle catégorie juridique, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2009, p.45.


 
Demande d'adhésion
Vous voulez devenir membre de l'A.T.D.S ?
Inscription
Abonnez-vous pour recevoir tous nos bulletins d'information
 
Accueil Publications Lois, Décrets,... L'association Bulletins d'Information& Flash Infos Références Membres Contact
Siège de l'A.T.D.S : Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis
Boulevard Mohamed Bouazizi - Campus Universitaire, - C.P.2092 El Manar
Tel : 00216 71 872 770/98 373 607/22 539 410 - Fax : 00216 71 872 139
© Tous droits réservés 2006 A.T.D.S
Webmaster : Wafa HARRAR-MASMOUDI
Réalisation : Xpert-Net