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Bulletin d'information n°79. Février 2015

Cour Suprême du Canada 6 février 2015 : Carter c. Canada ou le droit de mourir, partie intégrante du droit à la vie

Deux droits fondamentaux étaient en jeu dans l'affaire Carter c. Canada. D'une part, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés. D'autre part, les devoirs essentiels du médecin, notamment celui de soigner ses malades et l'interdiction d'aider quelqu'un à se donner la mort (Code criminel canadien).

La prohibition criminelle qui dénie le choix de mourir dans la dignité à une personne souffrant d'une maladie incurable et provoquant de grandes souffrances constituait-elle une violation des droits garantis la Charte ? Ou inversement, la violation du Code criminel pouvait elle se justifier au regard de l'article premier de la Charte? Face à un adulte capable mais affecté de problèmes de santé graves et irrémédiables, lui causant des souffrances persistantes, désireux de mettre fin à ses jours avec l'aide d'un médecin, fallait-il plutôt donner la préférence d'application au Code criminel ou à la Charte?

Conflit de textes. Conflit de valeurs. Evolution des conceptions. Prééminence des droits individuels.

Pour le cas d''espèce, après avoir appris en 2009 qu'elle souffrait d'une maladie neurodégénérative fatale, T. contesta devant le tribunal de première instance la constitutionnalité des dispositions du Code criminel prohibant l'aide à mourir. La juridiction lui donna raison en concluant que la prohibition du Code criminel constituait une violation des droits garantis par la Charte. Elle déclara la prohibition inconstitutionnelle.

La juridiction d'appel réfuta cette interprétation au motif que la juridiction de première instance était tenue de suivre une précédente décision de la Cour Suprême (Rodriguez c. Colombie Britannique de 1993 : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/1054/index.do) confirmant l'interdiction générale de l'aide au suicide.

Prééminence devait donc être donnée du Code criminel sur la Charte.

Faisant preuve de grande sagesse, la Cour Suprême commence par répondre sur le fond : « Trancher cette question nous oblige à pondérer des valeurs opposées d'une grande importance. D'une part, il y a l'autonomie et la dignité d'un adulte capable qui cherche dans la mort un remède à des problèmes de santé graves et irrémédiables. D'autre part, il y a le caractère sacré de la vie et la nécessité de protéger les personnes vulnérables. »

Le raisonnement de la Cour Suprême s'effectuera en plusieurs temps. Commençant par resituer globalement le code criminel, dans un contexte de respect de la personne (« la prohibition de l'aide médicale à mourir porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d'une manière non conforme aux principes de justice fondamentale »), elle affirme par la suite que cette « prohibition n'a pas pour objet de préserver la vie peu importe les circonstances, mais plus précisément d'empêcher que les personnes vulnérables soient incitées à se suicider dans un moment de faiblesse ».

En suivant ce raisonnement, il apparaît que la prohibition absolue de l'aide au suicide a pour objet final - unique ? - de protéger des personnes vulnérables et qu'elle ne doit pas générer, pour les personnes capables, de privations arbitraires de leurs droits individuels. Car cette restriction de leurs droits entraîne une portée excessive à la prohibition de l'aide au suicide.

La Cour adopte ainsi une conception qualitative large du droit à la vie, ne se limitant pas à sa seule préservation, mais incluant sa qualité et, partant, le droit de mourir dans la dignité. Elle fait sienne l'interprétation du droit à la vie qui protège l'autonomie personnelle, l'autodétermination et la dignité.

Pour la Cour, la prohibition de l'aide d'un médecin pour mourir à une personne est nulle dans la mesure où elle prive un adulte capable et souffrant de problèmes de santé graves et incurables d'un droit qui lui est reconnu.

Par ce jugement d'une grande finesse juridique, la Cour Suprême canadienne nous donne une interprétation intéressante non seulement du droit à la vie, mais donne forme plus concrète au principe de dignité.

A. AOUIJ MRAD


 
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