Bulletin d'information n°77. Décembre 2014

Plaidoyer pour l'hôpital public*

Les avis sont unanimes : l'hôpital public doit perdurer. Il doit surmonter la crise grave dans laquelle il se débat en ce moment et muer enfin vers davantage de qualité. Mais pour cela il faudrait recentrer la réflexion sur ce qu'on attend de lui, donc lui recibler ses objectifs et accepter enfin qu'il dispose d'une véritable autonomie de gestion. Cette évolution salvatrice ne pourra s'effectuer que si nous acceptons que certaines de nos prétendues certitudes changent : l'hôpital public, pour survivre dans la tendance libérale, doit s'adapter en s'ouvrant à des techniques managériales, en contractualisant ses rapports avec la tutelle, les structures sanitaires privées et ses partenaires financiers.

L'hôpital public est irremplaçable. Il occupe une place privilégiée dans l'imaginaire conceptuel. Il est vecteur de valeurs et facteur de cohésion sociale en même temps qu'il consacre la légitimité de l'action de l'Etat par la réalisation d'un service public.

L'ensemble de son fonctionnement est fondé sur des principes d'efficacité mais aussi d'humanité, au premier rang desquels figurent l'égalité ou la dignité. Ne pourrait-on, au lieu de sans cesse crier à leur disparition ou de décrier leur pure application, apprendre à accepter leurs nuances et leurs modulations de mise en ouvre, si tant est que celles-ci demeurent dans les limites de l'acceptable ?

Face à lui-même et à ses missions essentielles, l'hôpital public a aussi besoin que les textes le concernant soient adaptés. Il a besoin, pour sa propre reconsidération, de repenser la place de ses acteurs mais également les relations qui les lient. Qu'il s'agisse des médecins et de leur formation, des patients et de leurs demandes, des administrateurs et de leurs contraintes, l'hôpital doit réfléchir à nombre de questions d'ampleur : responsabilité, finances, relations avec les caisses.

L'avenir de l'hôpital public est à la fois en lui-même et hors de lui.

Intrinsèquement, l'hôpital a besoin d'hommes de valeur et de moyens plus conséquents. Il a besoin d'une plus grande autonomie de gestion et d'implantations territoriales véritablement opérationnelles. Pour replacer les hôpitaux universitaires à leur véritable valeur, il faut se pencher sur les hôpitaux régionaux et les structures hospitalières de base.

Mais surtout, la réflexion relative à l'hôpital public est une réflexion sur l'Etat, son rôle et son implication. Réfléchir à sa réforme revient à réfléchir en même temps sur la place de l'Etat dans ce renouveau de l'hôpital et sur les rapports que celui-ci doit entretenir avec le secteur privé.

Aujourd'hui, l'hôpital public, dont nous serons toujours les défenseurs, a besoin d'un Etat plus conséquent dans ses choix. Ayant choisi la voie du libéralisme, ce dernier doit réfléchir à des redistributions équitables, entre autres dans le secteur des soins, des places et des missions des différents acteurs.

Une remise en ordre s'impose donc pour sauver l'hôpital public, impliquant une véritable prise de conscience de son rôle au sein de notre société. Est-il impossible d'encourager le secteur privé et en même temps de valoriser les structures sanitaires publiques, d'être libéral mais de sauvegarder une certaine justice sociale dans un pays qui en a grandement besoin ?

Pr. Amel AOUIJ MRAD

(*) Ce bulletin est le résumé du rapport de synthèse de la rencontre ATDS/ Faculté de droit de Sousse, du même intitulé, tenue les 5 et 6 décembre 2014 à Sousse.