Bienvenue sur le site de l'A.T.D.S
 
 

Bulletin d'information n°65. Juin 2013

La responsabilité du médecin anesthésiste

"Si un médecin opère un homme et cause la mort de l'homme, ou s'il ouvre un abcès à l'œil et détruit l'œil de l'homme, il aura les doigts coupés…".

C'est ainsi qu'en 1750 av. J-C, le code d'Hammurabi mettait déjà en place une responsabilité légale du médecin en cas de préjudice causé au patient, responsabilité reprise par différentes législations. C'est dans cette lignée que se situe le code de déontologie médicale tunisien, réglementant devoirs et obligations du médecin. Mais ces obligations sont énoncées de manière générale et aucune n'est spécifique au médecin anesthésiste 1 ce qui pose en soi un problème dans la détermination de sa responsabilité. La jurisprudence française est d'un apport certain en la matière qu'il s'agisse de responsabilité civile (1) ou de responsabilité pénale (2) du médecin anesthésiste.

1. La responsabilité civile du médecin anesthésiste
L'établissement de la responsabilité civile vise l'indemnisation pécuniaire, par la personne ayant commis une faute, du préjudice qu'il a fait subir à quelqu'un. Pour déterminer la faute éventuelle du médecin-anesthésiste, il faudra revenir aux obligations et aux devoirs qui lui incombent au médecin anesthésiste en s'appuyant sur les usages en cours dans le domaine médical.
Le médecin anesthésiste a ainsi pour devoir, lors de son premier contact avec le patient, d'entreprendre une consultation pré-anesthésique 2, au cours de laquelle il doit entreprendre un interrogatoire exhaustif sur le passé médical et chirurgical du patient et procéder à son examen physique 3. Si ce protocole n'est pas suivi la responsabilité de l'anesthésiste est engagée car les risques d'allergie aux agents anesthésiques utilisés au cours de l'intervention n'auront pas été décelés et ce, même si la leur présence réaction est extrêmement rare 4. Le médecin anesthésiste engage également sa responsabilité lors de l'intervention. Il doit anesthésier le patient, en ayant pris soin de choisir le mode et produits les plus adéquats et veiller au maintien de l'état d'anesthésie tout au long de l'intervention. On citera à cet égard deux illustrations de la jurisprudence française dans lesquelles la responsabilité civile du médecin anesthésiste se trouvait engagée. Le premier arrêt portait sur la diffusion sous-cutanée du produit anesthésique lors de la pose de la perfusion 5, le second sur les tentatives multiples d'intubation orotrachéale ayant entrainé une dégradation au niveau dentaire du patient 6.
En dernier lieu, le médecin anesthésiste engage sa responsabilité civile au cours du réveil anesthésique. Lors de cette étape, il a une obligation de suivi vis-à-vis du patient, consacrée en France par les dispositions de l'article D-6124-97 du code de la santé publique français. L'objet de cette obligation est le contrôle des effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et la réaction adéquate en cas de complications postopératoires. Un manquement à ce suivi postopératoire entraîne la responsabilité civile du médecin anesthésiste et l'indemnisation du préjudice survenu suite à une complication lors de la phase de réveil anesthésique. L'obligation de suivi débute à la fin de l'intervention et s'achève à la sortie définitive du patient de la structure sanitaire.

2. La responsabilité pénale du médecin anesthésiste
Moins présente au niveau jurisprudentiel, la responsabilité pénale du médecin anesthésiste se révèle essentiellement sous la forme de l'homicide involontaire ou de mise en danger de la vie d'autrui.
Pour ce qui est du cas de l'homicide involontaire, un arrêt de la cour de cassation française daté du 22 Juin 1972 établit que le médecin anesthésiste peut être tenu responsable des complications anesthésiques survenues au cours d'une intervention et ayant entraîné la mort d'un patient. Dans le cas d'espèce, le médecin anesthésiste n'avait pas respecté son devoir de consultation pré-anesthésique, ignorant de ce fait le groupe sanguin de la patiente et n'effectuant alors aucune commande de sang 7.
Le médecin anesthésiste peut être tenu pénalement responsable du décès de son patient survenu au cours de l'étape du réveil anesthésique et du à une faute de suivi, notamment lorsqu'il a est donné permission à l'opéré de quitter l'établissement après " les premiers signes de réveil " 8.
Enfin, le médecin anesthésiste peut engager sa responsabilité pénale pour mise en danger de la vie d'autrui s'il s'avère qu'il avait délégué sa responsabilité de suivi du réveil à un interne en anesthésie sans l'encadrer, entraînant ainsi séquelles et complications à l'état de santé de la personne opérée 9.

Comme tout médecin, le médecin anesthésiste a des obligations légales qu'il doit suivre pour le bon exercice de son art. Nous regrettons en Tunisie l'absence de toute décision jurisprudentielle concernant cette responsabilité, en plus du fait que le code de déontologie médicale ne contienne aucune disposition qui lui soit spécifique et qu'il n'existe pas de code général de la santé. Peut-être faudrait-il pour permettre de mieux discerner les obligations auxquelles sont tenus les médecins anesthésistes, prendre l'exemple du code de la santé publique français qui détermine avec précision les différentes obligations de l'anesthésiste.

Malek Ben Jaâfar

Voir : La responsabilité de l'anesthésiste, Jurisprudence et apports de la loi du 4 mars 2002.
http://www.espace-ethiquepicardie.fr/assets/files/publications%20membres/responsabilite%20et%20anesthesiste.pdf
1 Contrairement au code de la santé publique français, qui réglemente l'anesthésie dans la sous-section 5 du chapitre IV, du titre II, du livre 1er de la sixième partie du code.
2 Obligation légale en France, article D-6124-92 du Code de la santé publique.
3 http://hegp7.org/spip.php?article33
4 http://www.sfar.org/article/694/prevention-du-risque-allergique-peranesthesique-1
5 Cass. civ. (1ère) 31 mai 1988. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, n° 165.
6 Cap. Paris 7 juin 1996, Gaz. Pal. 25 octobre 1997.
7 http://www.espace-ethique-picardie.fr/assets/files/
publications%20membres/responsabilite%20et%20anesthesiste.pdf p.8.
8 Cass. crim. FR. 10 mai 1984, affaire Farçat, D. 1985.
9 CA Agen, ch. corr. 27 novembre 2000, n° 00-753.




 
Demande d'adhésion
Vous voulez devenir membre de l'A.T.D.S ?
Inscription
Abonnez-vous pour recevoir tous nos bulletins d'information
 
Accueil Publications Lois, Décrets,... L'association Bulletins d'Information& Flash Infos Références Membres Contact
Siège de l'A.T.D.S : Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis
Boulevard Mohamed Bouazizi - Campus Universitaire, - C.P.2092 El Manar
Tel : 00216 71 872 770/98 373 607/22 539 410 - Fax : 00216 71 872 139
© Tous droits réservés 2006 A.T.D.S
Webmaster : Wafa HARRAR-MASMOUDI
(Mars 2006-Juin 2013)

Réalisation : Xpert-Net