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Bulletin d'information n°56. Septembre 2012

" Une agence nationale de l'évaluation de la qualité des services de santé, pourquoi faire ? "
Facticité des réformes et gaspillage des deniers publics


Le décret 2012-1709 du 6 septembre rajoute une nouvelle structure de santé dans le paysage juridique tunisien. Il s'agit de l'agence nationale de l'évaluation de la qualité des services de santé. Directement transposée du droit comparé, et notamment de la Haute autorité de santé française, cette nouvelle structure suscite plus d'une critique.
Prévue par nul texte antérieur, ne répondant pas -malgré sa dénomination trompeuse - à l'exigence d'indépendance totale d'une agence d'expertise, cette nouvelle structure fait tache, sa création apparaissant comme précipitée, déconnectée et tronquée.

Au titre de sa mission de certification des établissements de santé, l'Agence est chargée :
D'évaluer la qualité des services de santé ;
Mettre en œuvre la procédure de certification dans les établissements de santé et certifier ces établissements sur le rapport d'experts ;
D'élaborer des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles avec le concours des professionnels et organismes concernés, selon des méthodes scientifiquement reconnues, ou de les valider;
Diffuser ces référentiels et de favoriser leur utilisation;

Ainsi les missions d'évaluation d'établissements de santé par l'Agence aboutiront le cas échéant à ce qu'on nomme la " certification ".
Le terme de " certification ", préféré par le texte tunisien à celui d' " accréditation "(1) , est défini par la Haute Autorité de Santé française comme le " dispositif visant à améliorer la qualité des soins fournis par les établissements de santé (hôpitaux, cliniques, etc.) et à mettre à disposition du public une information sur la qualité des prestations délivrées par ces établissements "
(http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1002212/missions-de-la-has).

Le processus de certification doit aboutir, d'après le texte, à l'attribution d'un " certificat intégral d'activité " pour une durée de cinq ans et à une contractualisation de l'établissement certifié.

Deux mots clés fondent toute démarche de certification : l'indépendance de l'organisme et l'expertise de ses membres. Si nous ne pouvons d'avance préjuger de l'expertise des futurs membres, nous sommes par contre convaincus de l'inexistence de l'indépendance de cette nouvelle structure. Le texte - et ses rédacteurs - n'a pas su s'affranchir des velléités de bureaucratie et de rattachement au centre. L'Agence est un établissement public soumis à la tutelle de l'Etat et dépendant de ses nominations et subventions.
Au regard de son organisation interne, " Collège d'experts", " Bureau technique consultatif ", " Bureau technique consultatif de l'évaluation " sont autant de structures pompeuses et opaques mises en place par le texte, qui ne garantiront pas l'indépendance organique de l'Agence, surtout qu'ils sont partiellement composés d'agents publics (médecins chefs de service, médecin de la santé publique, infirmiers, pharmaciens hospitaliers…).
D'un autre côté, l' " Agence " fonctionnera sur la base de réseaux d'experts qui ne sont autres que des personnels d'établissements publics ou privés. Que de conflits d'intérêts en perspective…..

Les pouvoirs publics, l'Etat en l'occurrence puisqu'il s'agit d'un décret, semblent avoir perdu quelque peu le sens des réalités pour décider en ces moments où l'austérité budgétaire devrait guider leurs choix, de la création d'une structure publique supplémentaire. C'est en effet un secret de polichinelle que les établissement publics ne fonctionnent que grâce aux subventions publiques. Si légère que l'on voudrait qu'elle fût, l'Agence aura besoin d'un minimum d'agents permanents.

Dans ce schéma déconnecté des évolutions en cours de fonctionnement des administrations et de l'Etat, nous nous interrogeons : qu'apportera de nouveau ce texte en matière de qualité des services de santé ?

L'accréditation et son corollaire la certification des établissements de santé, des protocoles de soins font partie des grandes réformes prônées par les institutions internationales en matière de santé, dont la plus connue est la réforme hospitalière dont l'application, en ces temps de déliquescence de l'Etat, nombre de dérives : dérégulation quasi totale du secteur au regard de la concurrence public-privé, délabrement croissant du secteur public et marchandisation de la santé (encouragement à outrance des hôpitaux privés, exportations du personnel de soins, tourisme médical…).

Véritable fuite en avant, ce texte pompeux ne fera qu'aggraver la situation aujourd'hui désastreuse de la santé publique en Tunisie. Des remèdes clairs et simples existent pourtant : appliquer les textes, donner les moyens (matériels et financiers) aux hôpitaux et à leur personnel d'accomplir leurs missions essentielles, réguler un secteur privé dévastateur et limiter l'hémorragie des compétences vers lui. Mais la simplicité et la clarté des choix manquent sans doute de panache.

Dernier mal et non des moindres : les doubles emplois des missions de cette nouvelle structure avec certaines missions des directions du ministère de tutelle : " Qualité", " Etablissements de santé ", " recherche médicale ", censées évaluer la gestion générale des structures sanitaires publiques et la qualité des prestations, actualiser les procédures, les coûts et les tarifs de ces prestations et même auditer les performances gestionnaires de ces structures (Article 26 quater du décret n°81-793 du 9 juin 1981 portant organisation des services de l'administration centrale du ministère de la santé publique plusieurs fois modifiés notamment par le décret n°2006-746 du 13 mars 2006 et le décret n°2007-3017 du 27 novembre 2007).

Exemple parmi d'autres de la mauvaise création juridique et de la sous utilisation des textes existants (dispositions de la loi 91-63 relatives à l'égalité, à la carte sanitaire, aux soins palliatifs ; Règlement général intérieur des hôpitaux ; Charte du patient hospitalisé….), le décret 2012-1709 est le parfait contre exemple de ce qu'écrivait Portalis, à savoir " qu'il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que sil est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l'est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir "(2).

(1) C'est la reconnaissance par un organisme d'accréditation national de la conformité d'un établissement de santé à des normes d'accréditation et ce, sur la base d'une évaluation externe et indépendante par des pairs de son activité, de ses démarches, de sa performance par rapport à des normes préétablies, généralement par ce même organisme d'accréditation. http://www.hcsp.fr/docspdf/adsp/adsp-35/ad351778.pdf
(2) Discours préliminaire sur le projet de code civil (1er Pluviôse, an IX).





 
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