Bienvenue sur le site de l'A.T.D.S
 
 

Bulletin d'information n°51. Février 2012

Les psychiatres sont-ils tenus de communiquer le dossier médical de leur patient sur réquisition de la justice* ?



Un problème récurrent semble se poser aux médecins exerçant au sein de l'hôpital psychiatrique Errazi de La Manouba. Ils sont saisis, par voie d'ordonnance sur requête, par certains magistrats, dans le cadre d'une procédure civile, pour la transmission du dossier d'un de leur malades précédemment hospitalisé à l'hôpital. Le juge excipe toujours, à l'appui de sa demande, de certaines dispositions du code de procédure civile et commerciale.
Le secret professionnel étant une obligation imposée aux médecins et un droit bénéficiant au malade, lui seul peut en décider sa divulgation.
La violation du secret médical a des conséquences non seulement sur la dignité de la personne mais nuit également à l'efficacité même de la médecine.
Mais parfois le médecin se trouve tiraillé entre l'obligation de respect du secret médical tel qu'il est imposé par la loi et la communication de l'information en exécution de l'ordonnance sur requête prévue dans certains cas par la loi.
Deux textes, répondant à deux exigences contradictoires, s'opposent ici : le code pénal, sanctionnant la violation du secret professionnel, appuyé par le code de déontologie médicale et le code de procédure civile et commerciale.

Les dispositions relatives aux ordonnances sur requêtes
L'ordonnance sur requête peut avoir pour objet la communication par le médecin du dossier médical du patient. Les informations médicales peuvent ainsi être utilisées dans une procédure de divorce ou une mesure de mise sous tutelle, et ce, contre l'intérêt du patient. La problématique qui se pose alors est de savoir si la réponse à une ordonnance par le médecin sur requête constitue une violation du secret professionnel.
Dans tous les cas prévus par la loi, le président du tribunal de première instance et le juge cantonal, chacun dans la limite de sa compétence, peuvent délivrer des ordonnances sur requête (article 213 du code de procédure civile et commerciale). Les magistrats peuvent rendre ces ordonnances pour prescrire toutes mesures propres à sauvegarder les droits et intérêts qu'il n'est pas permis de laisser sans (art 214 CPCC).
Les ordonnances rendues n'ont pas besoin d'être motivées. Elles doivent être rendues immédiatement, au plus tard, dans les vingt-quatre heures suivant date de la requête (art 216 CPCC).
L'ordonnance sur requête non présentée à l'exécution dans les 10 jours de sa date, est considérée comme non avenue (art 221 CPCC) La possibilité d'appel est prévue par l'article 223 (CPCC), mais l'appel n'est pas suspensif d'exécution.

Dispositions relatives au secret professionnel
L'article 254 du code pénal dispose que : " Sont punis de 6 mois d'emprisonnement et de cent vingt dinars d'amende, les médecins, chirurgiens et autres agents de la santé, les pharmaciens, sages-femmes, et toutes autres personnes qui de part leur état ou profession sont dépositaires, de secrets, auront hors le cas s ou la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, révélé ces secrets… ".
L'obligation du secret professionnel est également prévue par le code de déontologie médicale : " Le secret professionnel s'impose à tout médecin, sauf dérogations établies par la loi "et a consacré des punitions en cas de violation de cette obligation incombant aux professionnels de santé.
Enfin, la loi relative à la protection des données à caractère personnel (n°2004-63 du 27 juillet 2004) dans son article 14 la loi de 2004 prévoit que le traitement des données à caractère personnel qui concernent, directement ou indirectement la santé est interdit sauf dans les cas prévus par la loi (art 62)lorsque la personne intéressée y a consenti, pour le développement et protection de la santé publique ou au bénéfice pour la santé de la personne concernée, la recherche scientifique dans le domaine de la santé ou la réalisation de finalités prévues par la loi ou les règlements.
Les médecins peuvent alors communiquer les données à caractère personnel à des personnes ou des établissements effectuant de la recherche scientifique dans le domaine de la santé suite à une demande émanant de ces personnes ou établissements, et sur la base d'une autorisation de l'Instance Nationale de Protection des Données à Caractère Personnel (art 63).

Certaines dérogations au secret médical existent en matière médicale comme :
L'obligation de révéler certains actes médicaux, la déclaration des naissances, la délivrance de certains certificats (de vaccination, de décès, prénuptial, d'accidents du travail ou de maladie professionnelle), la déclaration des maladies professionnelles ou à caractère professionnel, des maladies transmissibles, d'un crime en train de se commettre ou lorsqu'il s'agit de la protection d'un enfant en danger ou encore la déclaration d'hospitalisation de malades présentant des troubles mentaux.

L'ordonnance sur requête ne figure pas parmi les dérogations au secret médical. Comment alors interpréter des textes a priori contradictoires ? Le médecin est-il délivré de l'obligation de respect du secret professionnel en-dehors des cas de réquisition légale et notamment dans le cadre d'une instance civile en cours ? La réponse est négative.
Si le législateur a donné au juge le pouvoir de délivrance des ordonnances sur requêtes sans pour autant énumérer les cas (213 CPCC), il précise dans l'article 214 du même code précité que les ordonnances sur requête ont pour but de sauvegarder des droits et intérêts qu'il n'est pas permis de laisser sans protection. Cela n'est certes pas le cas dans une instance de divorce. Qui plus est, les délais présentés par les articles 216 et 221 CPCC nous laissent croire que les ordonnances sur requête sont rendues pour des affaires à caractère urgent ; dans la pratique plusieurs affaires ne représentent pas ce caractère, l'exemple le plus frappant est le divorce.

* Par Haïfa KHAMMARI, Assistante à la Faculté des sciences juridiques de Jendouba, doctorante.




 
Demande d'adhésion
Vous voulez devenir membre de l'A.T.D.S ?
Inscription
Abonnez-vous pour recevoir tous nos bulletins d'information
 
Accueil Publications Lois, Décrets,... Travaux & Colloques Bulletins d'Information& Flash Infos Liens Utiles Membres Contact
Siège de l'A.T.D.S : Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis
Boulevard 7 novembre - Campus Universitaire, - C.P.2092 El Manar
Tel : 00216 71 872 770/98 373 607/22 539 410 - Fax : 00216 71 872 139
© Tous droits réservés 2006 A.T.D.S
Webmaster : Wafa HARRAR-MASMOUDI
Réalisation : Xpert-Net