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Bulletin d'information n°48. Novembre 2011

La brevetabilité et l'embryon humain

Arrêt CJCE, affaire C-34/10 (Grande chambre), 18 octobre 2011 Oliver Brüstle contre Greenpeace eV,

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre) - 18 octobre 2011.



"Directive 98/44/CE - Article 6, paragraphe 2, sous c) - Protection juridique des inventions biotechnologiques - Obtention de cellules précurseurs à partir de cellules souches embryonnaires humaines - Brevetabilité - Exclusion des 'utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales' - Notions d'embryon humain et d'utilisation à des fins industrielles ou commerciales'" Dans l'affaire C 34/10, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE,introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 17 décembre 2009, parvenue à la Cour le 21 janvier 2010, dans la procédure
Oliver Brüstle contre Greenpeace eV,

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO L 213, p. 13, ci-après la "directive").
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'une procédure en annulation, initiée par Greenpeace eV, du brevet allemand détenu par M. Brüstle, qui porte sur des cellules précurseurs neurales et des procédés pour leur production à partir de cellules souches embryonnaires, ainsi que leur utilisation à des fins thérapeutiques.
(…)
Le litige au principal et les questions préjudicielles
M. Brüstle est propriétaire d'un brevet allemand, déposé le 19 décembre 1997, qui porte sur des cellules précurseurs neurales isolées et purifiées, leur procédé de production à partir de cellules souches embryonnaires et leur utilisation pour la thérapie d'anomalies neurales.
Dans le fascicule du brevet déposé par M. Brüstle, il est indiqué que la transplantation de cellules cérébrales dans le système nerveux constitue une méthode prometteuse de traitement de nombreuses maladies neurologiques. Il existe déjà de premières applications cliniques, notamment sur des patients atteints de la maladie de Parkinson.
Afin de pouvoir remédier à des anomalies neurales, il est, en effet, nécessaire de transplanter des cellules précurseurs, encore capables d'évoluer. Or, ce type de cellules n'existe, pour l'essentiel, que pendant la phase de développement du cerveau. Recourir aux tissus cérébraux d'embryons humains pose d'importants problèmes éthiques et ne permet pas de faire face aux besoins de cellules précurseurs nécessaires pour rendre le traitement par thérapie cellulaire accessible au public.
En revanche, selon ledit fascicule, les cellules souches embryonnaires ouvrent de nouvelles perspectives de production de cellules destinées à la transplantation. Pluripotentes, elles peuvent se différencier en tous types de cellules et de tissus, et être conservées pendant de nombreux passages dans cet état de pluripotence et proliférer. Le brevet en cause vise, dans ces circonstances, à résoudre le problème technique d'une production en quantité pratiquement illimitée de cellules précurseurs isolées et purifiées possédant des propriétés neuronales ou gliales obtenues à partir de cellules souches embryonnaires.
À la demande de Greenpeace eV, le Bundespatentgericht (tribunal fédéral des brevets) a constaté, en se fondant sur l'article 22, paragraphe 1, du PatG, la nullité du brevet en cause, dans la mesure où celui-ci porte sur des cellules précurseurs obtenues à partir de cellules souches embryonnaires humaines et sur des procédés pour la production de ces cellules précurseurs. Le défendeur a interjeté appel de ce jugement devant le Bundesgerichtshof.

Pour la juridiction de renvoi, le sort de la demande d'annulation dépend de la question de savoir si l'enseignement technique du brevet en cause, dans la mesure où il concerne des cellules précurseurs obtenues à partir de cellules souches embryonnaires humaines, est exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 2, paragraphe 2, premier alinéa, point 3, du PatG. La réponse à cette question dépend à son tour de l'interprétation qu'il convient de faire en particulier de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.
En effet, d'après la juridiction de renvoi, étant donné que l'article 6, paragraphe 2, de la directive ne laisse aux États membres aucune marge d'appréciation en ce qui concerne le caractère non brevetable des procédés et des utilisations qui y sont énumérés (voir arrêts du 9 octobre 2001, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C 377/98, Rec. p. I 7079, point 39, ainsi que du 16 juin 2005, Commission/Italie, C 456/03, Rec. p. I 5335, points 78 et suiv.), le renvoi opéré par l'article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, du PatG à l'ESchG, notamment à la définition de l'embryon que l'article 8, paragraphe 1, de ce texte donne, ne saurait être considéré comme la manifestation d'un soin laissé aux États membres de concrétiser l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive à cet égard, quand bien même celle-ci ne préciserait pas expressément la notion d'embryon. L'interprétation de cette notion ne saurait être qu'européenne et unitaire. En d'autres termes, l'article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, du PatG et, en particulier, la notion d'embryon qu'il emploie ne sauraient recevoir une interprétation différente de celle de la notion correspondante figurant à l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.
Dans cette optique, la juridiction de renvoi cherche notamment à déterminer si les cellules souches embryonnaires humaines qui servent de matériau de départ pour les procédés brevetés constituent des "embryons" au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive et si les organismes à partir desquels ces cellules souches embryonnaires humaines peuvent être obtenues constituent des "embryons humains" au sens dudit article. À cet égard, elle observe que toutes les cellules souches embryonnaires humaines qui servent de matériau de départ pour les procédés brevetés ne constituent pas des cellules totipotentes, certaines n'étant que des cellules pluripotentes, obtenues à partir d'embryons au stade de blastocyste. Elle s'interroge également sur la qualification au regard de la notion d'embryon des blastocystes à partir desquels peuvent également être obtenues des cellules souches embryonnaires humaines.
Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Que convient-il d'entendre par 'embryons humains' au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive [...]?
a) Cette notion recouvre-t-elle tous les stades de développement de la vie humaine à partir de la fécondation de l'ovule ou d'autres conditions doivent-elles être satisfaites, par exemple un stade de développement déterminé doit-il être atteint?
b) Est-ce que les organismes suivants relèvent de cette notion :
- des ovules humains non fécondés, dans lesquels a été implanté le noyau d'une cellule humaine mature;
- des ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer?
c) Est-ce que des cellules souches obtenues à partir d'embryons humains au stade de blastocyste relèvent également de cette notion?
2) Que convient-il d'entendre par 'utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales'? Cette notion couvre-t-elle toute exploitation commerciale au sens de l'article 6, paragraphe 1, de ladite directive, en particulier également une utilisation à des fins de recherche scientifique?
3) Un enseignement technique est-il exclu de la brevetabilité en vertu de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive […] également dans le cas où l'utilisation d'embryons humains ne fait pas partie de l'enseignement technique revendiqué par le brevet, mais est la condition nécessaire de sa mise en œuvre :
- parce que le brevet porte sur un produit dont la production requiert la destruction préalable d'embryons humains, ou
- parce que le brevet porte sur un procédé pour lequel un tel produit est nécessaire comme matériau de départ?"

Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d'interpréter la notion d'"embryon humain" au sens et pour l'application de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, c'est-à-dire à seule fin de déterminer le champ de l'interdiction de brevetabilité que cette disposition prévoit.
Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l'application uniforme du droit de l'Union que du principe d'égalité que les termes d'une disposition du droit de l'Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l'Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, notamment, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. I 107, point 11; du 19 septembre 2000, Linster, C 287/98, Rec. p. I 6917, point 43; du 16 juillet 2009, Infopaq International, C 5/08, Rec. p. I 6569, point 27, et du 21 octobre 2010, Padawan, C 467/08, non encore publié au Recueil, point 32).
Or, si le texte de la directive ne donne aucune définition de l'embryon humain, il n'opère pas non plus de renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne la signification à retenir de ces termes. Il en résulte donc que celui-ci doit être considéré, aux fins d'application de la directive, comme désignant une notion autonome du droit de l'Union, qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière.

Cette conclusion est confortée par l'objet et le but de la directive. Il résulte, en effet, des troisième et cinquième à septième considérants de la directive que celle-ci tend, par une harmonisation des règles de la protection juridique des inventions biotechnologiques, à lever les obstacles aux échanges commerciaux et au bon fonctionnement du marché intérieur que constituent les différences législatives et jurisprudentielles entre États membres et, ainsi, à encourager la recherche et le développement industriel dans le domaine du génie génétique (voir, en ce sens, arrêt Pays-Bas/Parlement et Conseil, précité, points 16 et 27).
Or, l'absence de définition uniforme de la notion d'embryon humain créerait un risque que les auteurs de certaines inventions biotechnologiques soient tentés de demander la brevetabilité de celles-ci dans les États membres ayant la conception la plus étroite de la notion d'embryon humain et, partant, les plus permissifs en ce qui concerne les possibilités de brevetabilité, en raison du fait que la brevetabilité de ces inventions serait exclue dans les autres États membres. Une telle situation attenterait au bon fonctionnement du marché intérieur, qui est le but de la directive.
Cette conclusion est encore corroborée par la portée de l'énumération, contenue dans l'article 6, paragraphe 2, de la directive, des procédés et des utilisations exclus de la brevetabilité. Il ressort, en effet, de la jurisprudence de la Cour que, contrairement à l'article 6, paragraphe 1, de cette directive, qui laisse aux autorités administratives et aux juridictions des États membres une large marge d'appréciation dans la mise en œuvre de l'exclusion de la brevetabilité des inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs, le paragraphe 2 dudit article ne leur en laisse aucune en ce qui concerne la non-brevetabilité des procédés et des utilisations qui y sont énumérés, cette disposition visant précisément à encadrer l'exclusion prévue au paragraphe 1 du même article. Il en résulte que, en excluant explicitement la brevetabilité des procédés et des utilisations qui y sont cités, l'article 6, paragraphe 2, de la directive vise à accorder des droits précis sur ce point (voir arrêt Commission/Italie, précité, points 78 et 79).
S'agissant du sens à donner à la notion d'"embryon humain" prévue à l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, il convient de souligner que, si la définition de l'embryon humain est un sujet de société très sensible dans de nombreux États membres, marqué par la diversité de leurs valeurs et de leurs traditions, la Cour n'est pas appelée, par le présent renvoi préjudiciel, à aborder des questions de nature médicale ou éthique, mais doit se limiter à une interprétation juridique des dispositions pertinentes de la directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2008, Mayr, C 506/06, Rec. p. I 1017, point 38).
Il y a lieu de rappeler, ensuite, que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l'Union ne fournit aucune définition doit être établie, notamment, en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir en ce sens, notamment, arrêts du 10 mars 2005, easyCar, C 336/03, Rec. p. I 1947, point 21; du 22 décembre 2008, Wallentin-Hermann, C 549/07, Rec. p. I 11061, point 17, et du 29 juillet 2010, UGT-FSP, C 151/09, non encore publié au Recueil, point 39).
À cet égard, il ressort de l'exposé des motifs de la directive que si celle-ci vise à encourager les investissements dans le domaine de la biotechnologie, l'exploitation de la matière biologique d'origine humaine doit s'inscrire dans le respect des droits fondamentaux et, en particulier, de la dignité humaine. Le seizième considérant de la directive, en particulier, souligne que "le droit des brevets doit s'exercer dans le respect des principes fondamentaux garantissant la dignité et l'intégrité de l'Homme".
À cet effet, ainsi que la Cour l'a déjà relevé, l'article 5, paragraphe 1, de la directive interdit que le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, puisse constituer une invention brevetable. Une sécurité additionnelle est apportée par l'article 6 de la directive qui cite comme contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, et exclus à ce titre de la brevetabilité, les procédés de clonage des êtres humains, les procédés de modification de l'identité génétique germinale de l'être humain et les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales. Le trente-huitième considérant de la directive précise que cette liste n'est pas exhaustive et que tous les procédés dont l'application porte atteinte à la dignité humaine doivent être également exclus de la brevetabilité (voir arrêt Pays Bas/Parlement et Conseil, précité, points 71 et 76).
Le contexte et le but de la directive révèlent ainsi que le législateur de l'Union a entendu exclure toute possibilité de brevetabilité, dès lors que le respect dû à la dignité humaine pourrait en être affecté. Il en résulte que la notion d'"embryon humain" au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive doit être comprise largement.
Dans ce sens, tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un "embryon humain" au sens et pour l'application de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d'un être humain.
Doivent également se voir reconnaître cette qualification l'ovule humain non fécondé, dans lequel le noyau d'une cellule humaine mature a été implanté, et l'ovule humain non fécondé induit à se diviser et à se développer par voie de parthénogenèse. Même si ces organismes n'ont pas fait l'objet, à proprement parler, d'une fécondation, ils sont, ainsi qu'il ressort des observations écrites déposées devant la Cour, par l'effet de la technique utilisée pour les obtenir, de nature à déclencher le processus de développement d'un être humain comme l'embryon créé par fécondation d'un ovule.
En ce qui concerne les cellules souches obtenues à partir d'un embryon humain au stade de blastocyste, il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si elles sont de nature à déclencher le processus de développement d'un être humain et relèvent, par conséquent, de la notion d'"embryon humain" au sens et pour l'application de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.
Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question en ce sens que :
- constituent un "embryon humain" au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive tout ovule humain dès le stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d'une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer;
- il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si une cellule souche obtenue à partir d'un embryon humain au stade de blastocyste constitue un "embryon humain" au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.

Sur la deuxième question
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la notion d'"utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales" au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive englobe également l'utilisation d'embryons humains à des fins de recherche scientifique.
À cet égard, il y a lieu de préciser que la directive n'a pas pour objet de réglementer l'utilisation d'embryons humains dans le cadre de recherches scientifiques. Son objet se limite à la brevetabilité des inventions biotechnologiques.
S'agissant, donc, uniquement de déterminer si l'exclusion de la brevetabilité portant sur l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales porte également sur l'utilisation d'embryons humains à des fins de recherche scientifique ou si la recherche scientifique impliquant l'utilisation d'embryons humains peut accéder à la protection du droit des brevets, force est d'observer que l'octroi d'un brevet à une invention implique, en principe, son exploitation industrielle et commerciale.
Cette interprétation est corroborée par le quatorzième considérant de la directive. En énonçant que le brevet d'invention confère à son titulaire "le droit d'interdire aux tiers de l'exploiter à des fins industrielles et commerciales", il indique que les droits attachés à un brevet sont, en principe, relatifs à des actes de nature industrielle et commerciale.
Or, même si le but de recherche scientifique doit être distingué des fins industrielles ou commerciales, l'utilisation d'embryons humains à des fins de recherche qui constituerait l'objet de la demande de brevet ne peut être séparée du brevet lui-même et des droits qui y sont attachés.
La précision apportée par le quarante-deuxième considérant de la directive, selon laquelle l'exclusion de la brevetabilité visée à l'article 6, paragraphe 2, sous c), de cette même directive "ne concerne pas les inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s'appliquent à l'embryon humain et lui sont utiles", confirme également que l'utilisation d'embryons humains à des fins de recherche scientifique qui ferait l'objet d'une demande de brevet ne saurait être distinguée d'une exploitation industrielle et commerciale et, ainsi, échapper à l'exclusion de la brevetabilité.
Cette interprétation est, du reste, identique à celle retenue par la grande chambre de recours de l'Office européen des brevets à propos de l'article 28, sous c), du règlement d'exécution de la CBE, qui reproduit à l'identique le libellé de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive (voir décision du 25 novembre 2008, G 2/06, Journal officiel OEB, mai 2009, p. 306, points 25 à 27).
Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question en ce sens que l'exclusion de la brevetabilité portant sur l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales énoncée à l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive porte également sur l'utilisation à des fins de recherche scientifique, seule l'utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic applicable à l'embryon humain et utile à celui-ci pouvant faire l'objet d'un brevet.

Sur la troisième question
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si une invention est exclue de la brevetabilité, quand bien même elle n'aurait pas elle-même pour objet l'utilisation d'embryons humains, dès lors qu'elle porterait sur un produit dont l'obtention suppose la destruction préalable d'embryons humains ou sur un procédé qui requiert un matériau de base obtenu par destruction d'embryons humains.
Cette question est soulevée à l'occasion d'une affaire relative à la brevetabilité d'une invention portant sur la production de cellules précurseurs neurales, qui suppose l'utilisation de cellules souches obtenues à partir d'un embryon humain au stade de blastocyste. Or, il ressort des observations soumises à la Cour que le prélèvement d'une cellule souche sur un embryon humain au stade de blastocyste entraîne la destruction de cet embryon.
Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 32 à 35 du présent arrêt une invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité, même si les revendications du brevet ne portent pas sur l'utilisation d'embryons humains, dès lors que la mise en œuvre de l'invention requiert la destruction d'embryons humains. Dans ce cas également, il doit être considéré qu'il y a utilisation d'embryons humains au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive. Le fait que cette destruction intervienne, le cas échéant, à un stade largement antérieur à la mise en œuvre de l'invention, comme dans le cas de la production de cellules souches embryonnaires à partir d'une lignée de cellules souches dont la constitution, seule, a impliqué la destruction d'embryons humains, est, à cet égard, indifférent.
Ne pas inclure dans le champ de l'exclusion de la brevetabilité énoncée à l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive un enseignement technique revendiqué, au motif qu'il ne mentionne pas l'utilisation, impliquant leur destruction préalable, d'embryons humains, aurait pour conséquence de priver d'effet utile la disposition concernée en permettant au demandeur d'un brevet d'en éluder l'application par une rédaction habile de la revendication. Là encore, c'est à la même conclusion qu'est parvenue la grande chambre de recours de l'Office européen des brevets, interrogée sur l'interprétation de l'article 28, sous c), du règlement d'exécution de la CBE, dont le libellé est identique à celui de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive (voir point 22 de la décision du 25 novembre 2008 mentionnée au point 45 du présent arrêt).

Il convient donc de répondre à la troisième question en ce sens que l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive exclut la brevetabilité d'une invention lorsque l'enseignement technique qui fait l'objet de la demande de brevet requiert la destruction préalable d'embryons humains ou leur utilisation comme matériau de départ, quel que soit le stade auquel celles-ci interviennent et même si la description de l'enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l'utilisation d'embryons humains.

Sur les dépens
La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
1) L'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, doit être interprété en ce sens que :
- constituent un "embryon humain" tout ovule humain dès le stade de la fécondation, tout ovule humain non fécondé dans lequel le noyau d'une cellule humaine mature a été implanté et tout ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer;
- il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si une cellule souche obtenue à partir d'un embryon humain au stade de blastocyste constitue un "embryon humain" au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44.
2) L'exclusion de la brevetabilité portant sur l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales énoncée à l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 porte également sur l'utilisation à des fins de recherche scientifique, seule l'utilisation à des fins thérapeutiques ou de diagnostic applicable à l'embryon humain et utile à celui-ci pouvant faire l'objet d'un brevet.
3) L'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 exclut la brevetabilité d'une invention lorsque l'enseignement technique qui fait l'objet de la demande de brevet requiert la destruction préalable d'embryons humains ou leur utilisation comme matériau de départ, quel que soit le stade auquel celles-ci interviennent et même si la description de l'enseignement technique revendiqué ne mentionne pas l'utilisation d'embryons humains.



 
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