Bulletin d'information n°39. Janvier 2011
Au-delà de la douleur
Tuer un homme pour sauver le monde, ce n'est pas agir pour le bien du monde.
S'immoler soi-même pour le bien du monde, voilà qui est bien agir (Confucius).
Ceux qui, aujourd'hui, se plongent dans les volumineux dossiers laissés
par leurs prédécesseurs ministres, ceux qui entament avec foi et énergie
la (re)construction de notre pays ou l'instruction de dossiers d'inculpés
qui se croyaient " pas comme les autres ", ceux qui planchent studieusement
sur des articles de lois, des droits bafoués et des délits d'initiés, ceux qui
accumulent avec générosité les initiatives citoyennes qu'ils découvrent ou redécouvrent avec bonheur,
tout comme ceux qui ergotent en refaisant la Tunisie autour d'un café, ceux qui
écrivent et répondent sans se lasser sur autant de murs virtuels à autant d'amis
tout aussi virtuels, ceux qui se rendent compte qu'ils n'avaient jamais réellement
saisi la portée du mot " liberté " sauf à l'envier aux français devant un spectacle
des " Guignols de l'info " ou une page du " Canard enchaîné ", devraient se promettre
en cette fin de mois de janvier historique de ne jamais oublier.
Ne jamais oublier tous ces courageux suicidés, aubes de vies désespérées,
partis en cendres ou électrocutés, qui réveillèrent brutalement une population embrigadée ;
ne jamais oublier ces innocents, acteurs ou spectateurs d'un juste soulèvement, aux vies
arrachées par quelque balle minutieusement et traîtreusement tirée ;
ne jamais oublier les images de profonde misère et de dénuement absolu,
découvertes avec honte et incrédulité sur un écran de télévision ; ne jamais
oublier nos frères citoyens venus de loin, transportés par un idéal et mus par une maturité
politique insoupçonnée, pour camper de longues nuits devant un symbole de pouvoir décrié ; ne jamais
oublier le puissant élan de solidarité qui fit que l'on se sentit réellement tous tunisiens face à un
danger commun.
Ces quelques jours nous ont appris et mûri bien plus que deux décennies de peur, d'oppression,
de mutisme et d'injustices rentrées. Le tourbillon du quotidien, inévitable, devra toujours laisser
intacte la profondeur de leur impact. La construction d'un pays plus juste et plus libre ne peut se
faire qu'en souvenir de ceux qui les ont initiés, en ont porté la flamme qu'ils crièrent, hurlèrent, scandèrent
jusqu'à se sacrifier au plus profond de leur être, jusqu'à donner leur vie.
Si cette révolution qui n'a rien du jasmin car c'est tout simplement celle d'un peuple
opprimé et que l'on croyait brisé, relayé par une Toile gigantesque doit, une fois ses
cruelles et réelles souffrances apaisées, faire émerger de la terre rougie par le sang, quelque
chose pour nos enfants, qu'il ne s'agisse alors que de liberté, d'égalité, de solidarité et de dignité.
Tout le reste n'est que futilités. L'ambition politique qui ne saurait disparaître, les luttes partisanes
qui doivent devenir une réalité, la vigilance constante pour préserver nos acquis ne devront jamais plus
remiser les valeurs vraies et les réalités d'un peuple.
Amel AOUIJ MRAD. Le 29 janvier 2011.
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