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Bulletin d'information n°37. Novembre 2010

Cancer et consentement éclairé : rôle du personnel paramédical*



La finalité de la médecine est claire et apparemment simple : la sauvegarde de la vie et le rétablissement de la bonne santé du malade. Cette évidence apparaît cependant difficile à atteindre dans le cadre de certaines spécialités cliniques, dont la carcinologie.

Deux volets dans ce texte, nettement séparés mais qui se révèleront complémentaires dans leur mise en œuvre. La relation médecin malade, théoriquement duelle se trouve traversée d'interférences (famille et équipe soignante). Le caractère grave de l'affection et son issue parfois fatale la compliquent encore davantage. Le rôle du personnel paramédical peut s'avérer ici capital.

Le droit en tant que cadre juridique concernant la relation médecin-malade pose des balises comportementales en des termes assez généraux, permettant des modulations selon chaque cas de figure. Le droit n'a pas pour rôle de résoudre les délicats problèmes du rapport médecin-malade. Bien souvent il se contente de poser un cadre, la pratique et surtout l'éthique venant compléter le reste.

Quant au malade en situation d'attente et d'ignorance, il est titulaire de certains droits qui, même s'ils sont émergents, tendent à avoir de plus en plus d'importance : droit à l'information, droit à être traité avec dignité, nécessité d'obtention de son consentement...

En carcinologie, deux temps forts réclameront notre attention au regard de l'information et du consentement du malade et du rôle que peut jouer le personnel paramédical. Le premier concerne le moment crucial de l'annonce de la maladie ; le second (qui peut lui être concomitant) concerne le choix ou la poursuite d'une thérapeutique.

1) Annonce de la maladie : le paramédical relaie le médecin

- D'après l'article 31 du code de déontologie médicale, le médecin doit assurer des soins au malade et agir avec correction et aménité.
- L'article 36 du même code dispose qu' "un pronostic grave ou fatal peut être dissimulé au malade. Il ne peut lui être révélé qu'avec la plus grande circonspection mais il peut l'être généralement à la proche famille à moins que le malade ait préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite"(1).

Le caractère obligatoire de l'information du malade est ici mis en échec. Le médecin devra savoir moduler son comportement selon la personnalité du malade, trouver le temps et la manière adéquates pour annoncer la nouvelleLe caractère obligatoire de l'information du malade est ici mis en échec. Le médecin devra savoir moduler son comportement selon la personnalité du malade, trouver le temps et la manière adéquate pour annoncer la nouvelle(2).

La relation médecin malade n'est plus duelle mais plurielle : elle intègre désormais toute une équipe, l'institution de soins et même la famille du malade. Ceci la complique et ne peut que l'opacifier, risquant de créer autant de malentendus(3). Le médecin qui peut souffrir de cette présence constante de la famille, sorte d' "interférence médiatisée"(4), aura cependant un appui de taille dans les paramédicaux de son équipe.
En effet, la relation asymétrique existant entre lui et le malade, le langage, la technicisation des moyens d'investigation constituent d'autres limites à la réciprocité du dialogue(5). Le personnel paramédical peut jouer le rôle d'un précieux relais d'information, lorsque le médecin aura choisi de révéler la vérité au malade ou à ses proches. Dans des termes sans doute plus simples et sans outrepasser ce que le médecin aura choisi de révéler, il expliquera et amènera le malade à mieux accepter une situation difficile. Cette qualité de la communication aidera à instaurer une relation de confiance médecin malade, c'est à dire une relation plus interactive.

L'article 36 du code de déontologie médicale pose en filigrane la question de savoir si la relation médecin malade doit s'établir principalement sur la vérité ou bien si elle peut admettre quelquefois le recours au mensonge prenant ici la forme du silence(6). Dans le cas où le médecin a choisi de taire la vérité au malade, le personnel paramédical sera lui aussi tenu au silence, au risque dans le cas contraire de violer un secret professionnel.

2) Choix et poursuite d'une thérapeutique : le personnel paramédical complète le rôle du médecin

L'information relative à la maladie se poursuit par celle concernant le traitement à suivre, sa durée, ses effets indésirables. Ici aussi, l'information devra logiquement être claire, simple, intelligible.

Car la relation d'inégalité médecin malade se complique d'éléments objectifs qui sont la technicité des moyens de traitement et la connaissance de la maladie. Le médecin domine ces deux éléments qui deviennent au fil des jours et des cas, assez évidents pour lui, avec le risque de créer des automatismes comportementaux. Le problème serait donc un repositionnement constant par rapport aux individualités et à leur perception de l'état pathologique. Son devoir pour lui est clair (article 2 du code de déontologie médicale, rappelé pour les cas d'urgence par l'article 35 du même code) : soigner (toujours), guérir (peut-être), retarder l'échéance (dans la mesure du possible). Un autre écueil apparaît alors : comment éviter l'acharnement thérapeutique, comment évaluer correctement des chances de survie d'un malade, comment appréhender les possibilités thérapeutiques d'un nouveau traitement ?

Sera-t-il réellement envisageable pour un médecin d'évoquer tous les effets indésirables d'un traitement ou des suites d'une intervention ? Certes pas. Il faudra simplement qu'il en révèle les contraintes les plus importantes en les mettant en balance avec les bénéfices attendus et évalués de la manière la plus honnête qui soit. Le personnel paramédical sera ce précieux révélateur de compléments d'information dans la limite de celles que le médecin a choisi de donner. Le travail d'équipe étant alors le cadre indispensable pour obtenir ces résultats.

Là encore, le personnel paramédical sera le soutien technique indispensable préalablement ou postérieurement à toute investigation, analyse, injection ou examen, rendus de plus en plus nombreux avec la technicisation de la médecine. Il jouera un rôle humain fondamental et aidant psychologiquement les malades en trouvant les mots nécessaires pour dépasser des moments physiquement ou psychologiquement durs.

Ainsi malgré des lacunes en matière de bioéthique dans sa formation, malgré l'absence de code déontologie infirmière, le paramédical conscient de son rôle pourra jouer un rôle éminemment positif dans l'acceptation de situations douloureuses et la poursuite de traitements consentis.

* Par A. Aouij Mrad. Extraits de la communication faite au Premier congrès régional paramédical de l'Ariana sur " Les cancers " tenu le 25 novembre 2010.
(1) En droit comparé, l'article 35 du code de déontologie français est plus soucieux du détail de la communication médecin-malade puisqu'il dispose que "le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.
Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave (…). Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite
".
(2) Voir Nabil Ben Salah, "Déontologie médicale et communication médecin malade", Ouvrage collectif "Ethique et communication de la santé", CNEM, 2000, p.63.
(3) Voir Nabil Ben Salah, "Déontologie médicale et communication médecin malade", Ouvrage collectif " Ethique et communication de la santé ", CNEM, 2000, p.63.
(4) Ibid, 52.
(5) Fatma Haddad Chamakh : La communication dans la relation médecin/malade : problématique. Ouvrage collectif "Ethique et communication de la santé", CNEM, 2000, p.49.
(6) Ibidem.



 
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