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Bulletin d'information n°22. Mai 2009

A propos du pouvoir disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins.

 

1. Un champ de compétence mal délimité. Le Conseil national de l'ordre des médecins, à l'image de tous les conseils ordinaux, a une double fonction : régulateur de la profession, il est également le garant de sa moralité. Il siège en tant que Conseil de discipline pour " les manquements aux règles édictées par le code de déontologie " (Article 29 de la loi 91-21 du 13 mars 1991 relative à l'exercice et à l'organisation des professions de médecin et de médecin dentiste). Tous les médecins exerçant en Tunisie étant tenus d'être inscrits au tableau de l'Ordre, cette compétence est générale.

2. Il existe deux principaux modes d'exercice de la médecine (mode libéral et mode salarié). Le premier mode a historiquement précédé le second, les Conseils de l'ordre ayant été instaurés pour censurer les fautes commises par les médecins de libre pratique. C'était leur mission initiale mais avec la prise en charge par l'Etat du service public de la santé et le développement de l'exercice de la médecine salariée, exercée dans des structures publiques, ont été instaurées des instances disciplinaires au sein de l'administration chargées de l'exercice du pouvoir disciplinaire pour ces fonctionnaires de l'Etat. Comment alors délimiter le champ d'action respectif des deux instances lorsque le médecin est fonctionnaire?

3. Logiquement, la commission administrative paritaire du ministère de la santé publique devrait être compétente, parallèlement au Conseil de l'ordre, toutes les fois qu'un médecin - ou n'importe quel autre agent public exerçant dans une structure sanitaire publique relevant de sa compétence - aura commis une faute perturbant le fonctionnement du service public hospitalier. Pour le cas des médecins exerçant en " activité privée complémentaire ", seule la saisine du Conseil de l'ordre demeure puisque la faute est commise dans le cadre de leurs consultations externes bi-hebdomadaires. Il y a là une incursion du droit disciplinaire général dans le droit administratif, dû à l'enclave d'un mode d'exercice privé dans un mode d'exercice public.

4. Le pouvoir disciplinaire comporte celui de prononcer des sanctions à l'encontre de certains comportements répréhensibles au regard de ce l'on attendrait logiquement de tout praticien. Pour le cas du médecin salarié, les comportements qui seront portés à la connaissance du Conseil de l'ordre devront être en rapport direct avec l'exercice de son art (erreur médicale, de diagnostic, d'information, de soins….) et devront avoir eu des implications sur la santé ou la vie du patient. Qu'en est-il alors des infractions n'entrant pas dans cette catégorie - soit les fautes à connotation financière (dépassement d'honoraires, certificats de complaisance, prestations fictives, abus de prescriptions…) et commises par ces médecins salarié dans le cadre de son APC ?

5. Si les fautes en rapport avec son art doivent recevoir de par le Conseil de l'Ordre, une sanction d'application générale - c'est-à dire touchant tant son exercice de la médecine à l'hôpital qu'en APC - par contre, toute sanction relative à une faute non médicale doit voir son application circonscrite au seul cadre d'exercice libéral. Si la sanction du Conseil de l'ordre s'entendait largement, par exemple s'il s'agit d'une suspension touchant tous les modes d'exercice, elle perturbera inéluctablement le fonctionnement du service public hospitalier, alors que celui-ci n'a aucunement souffert de l'infraction.

6. Ainsi se trouve posée la question des interactions entre les pouvoirs de l'Ordre et l'autorité de l'Etat. Dans quelle mesure l'Etat est-il tenu de se soumettre et de faire exécuter des sanctions prononcées par une structure qui, au final et même si elle est chargée du service public " de l'organisation de la profession " (Tribunal Administratif, arrêt Anouar Becheur 14 juillet 1983), viennent priver un de ses services publics les plus essentiels d'un agent et ce, pour un temps plus ou moins long? Ceci est pour le moins bizarre lorsque ladite faute non médicale, n'a aucune implication sur la marche de l'hôpital. N'oublions pas que, pour les cas extrêmes, le code pénal incrimine les comportements répréhensibles à connotation financière particulièrement graves, telle la corruption ou la concussion.

7. Une procédure inconstitutionnelle. Toute mesure administrative pouvant apparaître comme une sanction car portant atteinte aux droits des administrés doit respecter un certain formalisme. Le Conseil national de l'ordre des médecins exige, en-dehors de toute base légale de la part du médecin appelé à comparaître devant lui en cas de plainte, le versement d'une somme de trois cent dinars pour qu'il puisse avoir accès à son dossier. Cette somme serait destinée à couvrir les frais de fonctionnement du conseil de discipline. Or, cette exigence est en violation flagrante de l'article 12 de la Constitution du 1er juin 1959 (" Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense "), constamment réitéré par le Tribunal Administratif. Ce dernier est intransigeant au regard du respect des formalités substantielles relatives à toute procédure disciplinaire. Pour lui, tout obstacle à la consultation du dossier disciplinaire par l'agent mis en cause aboutit automatiquement à l'annulation de la sanction : la procédure disciplinaire est irrémédiablement viciée.

8. L'absence de critères objectifs dans la gradation des sanctions infligées. Comme tout pouvoir disciplinaire, celui du CNOM s'exerce en tenant compte de facteurs objectifs et subjectifs. Les premiers sont constitués des faits reprochés au médecin, et qui devront être étayés par des éléments sérieux de preuve pour aboutir à une sanction ; les éléments subjectifs quant à eux consistent en un tout incluant essentiellement les antécédents disciplinaires du médecin et sa réputation professionnelle. Telle est la jurisprudence constante du Tribunal Administratif. La sanction elle-même - blâme, avertissement, interdiction temporaire d'exercice, radiation - et puisqu'il n'existe pas en Tunisie d'échelle de correspondance entre faute et sanction, devra tenir compte de l'ensemble de ces éléments : les faits d'un côté, la personne du médecin traduit devant le conseil de l'autre. Ayant été instauré pour réguler une profession et éviter des déviations flagrantes, le Conseil de l'ordre doit logiquement s'efforcer de préserver une certaine homogénéité et une harmonie interne dans les sanctions qu'il rend. C'est à ce prix qu'il conservera, si besoin est, la confiance de ses pairs et gagnera celle des patients.


 
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