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Bulletin d'information n°18. Janvier 2009

COMMENTAIRE DU DECRET 2008-3325 DU 21 OCTOBRE 2008 PORTANT CREATION D'UNE UNITE DE GESTION PAR OBJECTIFS POUR LA REALISATION DU PROJET DE MISE A NIVEAU DU SECTEUR PUBLIC DE LA SANTE ET FIXANT SON ORGANISATION ET LES MODALITES DE SON FONCTIONNEMENT (JORT N°87 DU 28 OCTOBRE 2008 P.3350).

 

De prime abord, le décret 2008-3325 n'innove pas : des unités de gestion par objectifs font légion dans l'administration tunisienne. Initiées sur le fondement du décret 96-49 du 16 janvier 1996 relatif à l'élaboration et au contenu des plans de mise à niveau de l'administration, ces unités (UGPO comme aiment à les dénommer nos administrateurs) prolifèrent depuis un certain nombre d'années. Principalement dans les domaines de l'équipement et de l'agriculture mais aussi pour la réforme du budget de l'Etat ou tout récemment pour suivre la mise en œuvre des programmes de coopération transfrontalière avec l'Union Européenne. Le présent texte innove par la démarche qu'il adopte et les concepts qu'il utilise, se plaçant sous l'angle de la démarche managériale mais sans tourner le dos à l'idée de service public.

Voici donc une UGPO spécifique au domaine de la santé et plus précisément au " secteur public de la santé ", ce qui semblerait a priori regrouper autant les structures de l'administration que les structures sanitaires. La lecture du décret nous oriente cependant vers une conception restrictive de cette expression, englobant uniquement les structures sanitaires (certainement identifiées par rapport à l'article 17 de la loi 91-63, c'est-à dire pouvant avoir des missions préventives, curatives ou palliatives). Le décret 2008-3325 est d'ailleurs à mettre en rapport avec le décret 2006-746 du 13 mars 2006 ( Décret modifiant et complétant le décret 81-793 du 9 juin 1981 portant organisation des services de l'administration centrale du ministère de la santé publique.) et surtout avec de deux de ses dispositions. D'une part, l'article 26 (nouveau) relatif à la direction générale des structures sanitaires publiques chargée notamment de " renforcer les capacités des structures sanitaires publiques afin de pouvoir répondre à l'ensemble de leurs missions " et de " veiller à la mise en œuvre, dans les structures sanitaires publiques de la stratégie d'assurance continue de la qualité globale " ; d'autre part, l'article 26 (quater) qui charge la nouvelle direction d' " évaluer la gestion générale des structures sanitaires publiques et la qualité des prestations qui y sont dispensées et veiller à l'amélioration permanente du système de gestion ", à côté de l'évaluation économique et gestionnaire de leurs performances et de la qualité de leurs prestations.

Le projet dont il est question dans le présent décret et qui se révèle, à la lecture, un travail titanesque doit se réaliser sur une durée totale de cinq années, déclinées sur trois périodes de durées variables. Ce qui nous semble étonnant est le fait que la première période, consacrée à un travail de réflexion, ce conceptualisation, de repérage et de mise en route ne compte que trois mois. A moins que le travail de l'UGPO ait déjà été entamé par l'administration centrale, plus précisément par la direction que nous venons de citer, il nous semble difficile en seulement 90 jours de mener une étude exploratoire de la performance des structures sanitaires des trois niveaux et d'identifier parmi elles les structures pilotes sur lesquelles l'expérience serait prioritairement tentée. Ces structures seront-elles celles ayant le plus de difficultés de fonctionnement ou, au contraire, celles qui en ont le moins afin de faciliter le début de l'expérience ?

Cette première étape sera d'autre part consacrée à l'identification de mécanismes d'appui institutionnels aux structures concernées et d'un centre technique d'expertise de référence dont on s'interroge vainement sur la signification. Existe-t-il déjà ou doit-il être crée ? Sur ces bases, des contrats " pluriannuels " d'objectifs et de moyens seront signés entre l'administration centrale et ses structures régionales et entre l'administration centrale et les structures sanitaires ciblées d'autre part, avec un chronogramme pour l'ensemble des objectifs à atteindre. Si nous saluons cette idée et ces techniques qui s'insèrent dans les tendances de gestion de l'administration publique l'on demeure cependant perplexe sur le point de savoir quels objectifs chiffrés l'on pourrait bien imposer à un hôpital ? De satisfaire ses usagers ? De réduire la durée des hospitalisations ? D'augmenter le nombre de consultations externes ? De réduire le nombre (ou l'incidence financière) des examens et explorations complémentaires et des prescriptions médicales?

Autre mystère : la durée des contrats pluriannuels. On serait tenté de croire, en rapprochant ces contrats des contrats programmes conclus entre l'Etat et ses entreprises publiques - et qui ne sont d'ailleurs pas un franc succès - que cette durée soit calquée sur celle des plans quinquennaux de développement. Mais cela ne se peut pas car le prochain plan débutera en 2012 et cela mettrait à mal la mission de l'UGPO limitée dans le temps. Sans doute alors faudrait-il rapprocher ces contrats de ceux conclus entre l'Agence de maîtrise de l'énergie (AME) et les industriels dans le cadre d'un programme de maîtrise énergétique.

Quoiqu'il en soit, le service public de la santé franchit là un pas de plus dans le sens de la gestion managériale. Cela réduit d'autant le cloisonnement entre SPA et SPIC et entre gestion publique et gestion privée dans le sens où des techniques de gestion privée s'installent dans des structures obéissant en partie encore au droit public ; cela risque d'aggraver la schizophrénie de ces entités sachant de toutes manières la bataille est perdue d'avance tant le droit public, esprit et procédés confondus, demeure une véritable chape de plomb pour nos hôpitaux.

La seconde étape sera étalée sur une année qui serait consacrée au lancement, à la coordination et à l'initiation au " processus de mise à niveau ". Sûrement, cette phase serait consacrée, dans l'esprit des rédacteurs du décret, à la mise en marche d'une dynamique. Ce sera au cours de cette période qu'un " projet d'établissement " sera élaboré pour chacun des hôpitaux désignés pour participer à ce projet de même qu'un " projet de programme global ".

La troisième et dernière étape de la mission de l'UGPO sera la plus longue : d'une durée de trois ans et neuf mois, elle concernera le " déploiement " du plan de mise à niveau. Ce terme nouveau et séduisant semble signifier " développement " ou " élargissement " de la mise en œuvre du plan. Ces trois années seront donc consacrées à des démarches opérationnelles puisqu'à partir de l'existant et de ses succès seront élaborés de nouveaux projets Cependant, la période choisie ne risque-t-elle pas d'être taillée au plus juste lorsqu'on sait la part de travail que ce déploiement suppose ?

Et pour finir nous nous interrogeons sur…..

1. La finalité des instruments d'action de l'administration, si l'on adopte une conception utilitariste de l'implantation d'outils pour mieux faire fonctionner les organisations. Partant de ce postulat, la question de leur utilité demeure en suspens. Annoncent-elles les prémisses d'une autonomisation progressive de nos hôpitaux qui seront obligés à terme de se prendre en charge "exclusivement" à travers des accords contractualisés avec la tutelle. Cela ne risque-t-il pas de créer une discontinuité dans la prise en charge du patient dans une filière du public ?
2. Les acteurs en charge d'évaluer, et de connaître le degré d'indépendance de ceux qui décideront de la validité des contrats : sera-ce à nouveau une structure du Ministère ? Auquel cas nous serions à nouveau confrontés à une logique de "re"centralisation des attributions et ce nouveau décret n'aura été qu'une sorte de coquille vide.
3. L'existence même des UGPO ou d'autres structures " New Wave ". On donne l'impression en créant de telles structures que l'on cherche à agir pour améliorer le fonctionnement des institutions mais dans la réalité, leurs objectifs, finalité et mode de fonctionnement recopient souvent un schéma de pensée ancien.

 
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