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Bulletin d'information n°11. Janvier-Février 2008

L'EVOLUTION DE LA NOTION DE RISQUE

 

Notre société est dominée par une exigence croissante de sécurité ; la prise en charge des risques est devenue presque vitale. Plus personne n'accepte la fatalité! Plus que jamais, les risques doivent être couverts. Or paradoxalement, ces risques qui jalonnent notre existence toute entière ne font qu'augmenter du fait de nombreux facteurs mais aussi du fait de la mondialisation et de l'urbanisation croissante.
Le risque peut être défini comme étant synonyme de danger, de péril, d'évènement malheureux pouvant survenir. Il est par essence aléatoire et de nature inconstante, imprévue, inopiné. Mais, il peut être aussi défini et considéré comme la condition du succès, du progrès et du profit.
Les risques évoluent, leur perception se modifie du fait de plusieurs facteurs.
Tout d'abord, le progrès technique est facteur de risque. Le développement des sciences (ex : OGM), l'utilisation de nouveaux procédés, de nouveaux matériaux par l'industrie, le recours au développement de nouvelles molécules dans le domaine pharmaceutique sont à terme source de dommages non décelables. Ces progrès conduisent à l'apparition de risques dits nouveaux. Même, l'intervention des pouvoirs publics est devenue un facteur d'augmentation des dommages (notamment dans le secteur des travaux publics ou expérimentation biomédicales).
Le caractère purement naturel des risques diminue. Le respect des grands équilibres naturels est une préoccupation grandissante. La frontière entre risque technologique et risque naturel est de en plus floue.
On assiste à un changement d'échelle des risques du fait notamment de la mondialisation des phénomènes et de leur vitesse de diffusion. Il y a un développement des risques sériels ou de masse (exemple : celui du World Trade Center, inondation en Europe centrale, raz de marée sur les côtes asiatiques).
Dans le domaine de la santé, le risque sériel est une affection contractée à l'occasion de soin et qui affecte un très grand nombre de personne. Le risque de masse, quand à lui, résulte de la mise en cause des pouvoirs publics pour des dommages sanitaires qui ne sont pas directement liés au service public de la santé.
On évoque aussi les risques virtuels. C'est le cas du " risque développement ", c'est-à-dire que certaines découvertes entraînent des effets à retardement. Les risques surviennent à posteriori, après le développement des connaissances scientifiques. Par exemple, si les progrès de la médecine et les perfectionnements des techniques d'investigation augmentent les chances de guérison, ces progrès n'en demeurent pas moins facteurs de risque d'accidents thérapeutiques et d'erreurs de diagnostic.
La perception des risques est accentuée par la médiatisation des grandes catastrophes (Tchernobyl, AZF…). Elle est liée à l'information disponible (exemple impact des cas ESB, maladie Creutzfeldt Jacob) Les occasions dans lesquelles les risques sont évoqués, examinés se sont multipliés avec le développement des instances d'expertises (enquêtes publiques). Mais aussi, un risque mineur, voire hypothétique peut prendre une ampleur disproportionnée et entraîner un mouvement de peur irraisonné.
Mais les risques sont aussi d'avantage diffus dans leur cause comme dans leurs effets. Ils résultent de plus en plus d'enchaînements complexes de facteurs dont les causes peuvent difficilement être identifiées. C'est particulièrement le cas dans le domaine médical où il existe une très grande marge d'incertitude sur les faits générateurs de dommages. Il y a une tendance à la segmentation des risques.
Face à l'augmentation de ces risques et le développement des idées de solidarité nationale, la notion de risque acceptable a changé. Le sentiment, dans un monde avide de sécurité, que tout dommage doit ouvrir à une indemnisation s'est généralisé et a conduit à la prise en charge d'un nombre croissant de ces risques.
En France, on dénote de plus en plus, une volonté du législateur de se rallier à la formule du risque social. Il s'agit au nom de la solidarité sociale de faire prendre en charge l'indemnisation des victimes par la collectivité, c'est le phénomène de la socialisation des risques. Ce mouvement de socialisation des risques a justifié la mise en place de mécanisme particulier de réparation comme par exemple la création de fonds spécifiques pour faire face à certains risques, comme le fond d'indemnisation des préjudices résultant de la contamination par le virus du Sida. (exemple d'autres fonds : Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux, fond de garantie des victimes d'actes de terrorisme et de d'autre infraction, fond d'indemnisation des victimes de l'amiante). Ces fonds répondent en effet, à un système mixte mêlant assurance et solidarité.
En Tunisie, la question et l'importance des risques ont conduit à l'intervention croissante des pouvoirs publics et du juge administratif pour tenter d'y faire face.
Tout d'abord, les pouvoirs publics ont été amené à prendre des mesures de prévention dans de nombreux domaines afin d'essayer d'empêcher ou du moins de tenter de prévenir la survenance de certains risques. Si le domaine de l'environnement fut un temps considéré comme le terrain de prédilection de ces mesures, notamment à cause du principe de précaution (qui est apparu et a été consacré initialement dans ce domaine), ces mesures semblent aujourd'hui s'adresser à l'ensemble des domaines dont la santé. (exemple s'agissant du domaine de l'agriculture biologique, la réglementation prévoit que lorsque la vérification laisse planer un doute sur la provenance des produits d'un opérateur, ce produit ne peut faire l'objet d'une transformation ou d'un conditionnement qu'après l'élimination de ce doute (décret du 14 février 2000). On note aussi l'interdiction des OGM ou de leurs composants ou produits dérivés dans les biens issus du mode de production biologique (arrêté de 2001 et 2005 du ministre de l'agriculture). L'emploi des produits chimiques ou les procédés de manipulation de ces substances font ainsi l'objet d'une règlementation afin d'éviter les risques qu'ils peuvent entraîner. Il en est de même dans les domaines alimentaires, sanitaires, ou de nombreuses mesures de prévention sont prises pour protéger les personnes contre le plus grand nombre de risques (exemple : la loi 92-117 du 7 décembre 1992 relative à la protection du consommateur ; la loi no 98-17 du 23/02/1998, relative à la prévention des méfaits du tabagisme ; loi no 2002-58 du 25/06/2002, portant approbation du protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques etc).
Puis depuis une vingtaine d'année, le juge administratif n'a cessé de développer les hypothèses dans lesquels il prend en compte la notion de risque pour engager la responsabilité sans faute de l'Etat et ainsi indemniser les victimes sans qu'elles aient à apporter la preuve, parfois extrêmement difficile, d'un comportement fautif. Ainsi, le juge administratif a admis la responsabilité pour risque thérapeutique, ce qui est très appréciable vu la complexité des actes médicaux et la difficulté de prouver la faute dans ce domaine (TA 25 février 2005 affaire n° 17552). Il convient cependant d'apporter ici quelques réserves. Admettre la responsabilité pour risque d'une façon très large n'est pas une panacée d'autant plus que, de plus en plus, émerge l'idée que la notion de risque, loin d'éluder la faute comme aux prémices du régime de responsabilité, lui est désormais de plus en plus associée.

 
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